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Groupe de Recherche ANgevin en Économie et Management

Séparés par des virgules

Le secteur culturel source de réflexion sur les méthodes et concepts de recherche

Chloé Langeard, maître de conférences en sociologie à l’Université d’Angers, a dirigé un ouvrage analysant des pratiques de recherche et des notions en prise avec le monde de la culture qui sert d’approche à une réflexion plus globale.   

Interdisciplinarité est un mot à la mode. C’est notamment le cas dans le monde universitaire et de la recherche. « C’est une méthode de travail très valorisée par les financeurs publics. Il y a presque une forme d’injonction à y recourir », affirme Chloé Langeard, maître de conférences en sociologie à l’Université d’Angers (UA). Selon elle, il en est de même pour la recherche collaborative, méthode de travail associant des chercheurs et des professionnels de terrain. Des analyses que l'on retrouve dans le livre intitulé Valeurs de la culture, Méthodes et concepts à l’épreuve du pluralisme, qu'elle a dirigé et qui a été publié en août dernier aux Presses universitaires de Rennes. Ce livre fait suite au programme de recherche Valeurs et utilités de la culture (voir plus bas). Les 7 contributions de ce livre reviennent notamment sur ces deux méthodes de recherche - interdiscplinarité et recherche collaborative - ainsi que sur les concepts de valeurs et d'évaluation que ce programme a mis à l'épreuve.

Manque de valorisation

« Faire de l’interdisciplinarité ou de la recherche collaborative ce n’est pas si simple. Cela prend du temps. Il faut faire de nombreux efforts de traduction et de concertation entre les acteurs issus de diverses disciplines et champs sociaux », décrypte Chloé Langeard. Au-delà d’une organisation plus complexe, ces méthodes de travail manquent aussi de reconnaissance. « Les travaux interdisciplinaires restent encore peu valorisés au niveau académique. Prenons l’exemple d’un chercheur en gestion et un chercheur en sociologie qui s’associent. Pour la revue spécialisée en gestion, l’approche sera trop sociologique et inversement pour la revue en sociologie », illustre Chloé Langeard. Pour elle, si les chercheurs « jouent le jeu de l’interdisciplinarité et de la recherche collaborative en amont pour obtenir des financements, en aval cela a un coût pour eux lié à la faible valorisation académique ». D’ailleurs, le terme de « vulgarisation scientifique » employé lorsqu’il s'agit de transmettre les résultats de la recherche aux premiers acteurs concernés, les professionnels de terrain, « pénalise ce qui est pourtant le cœur du métier des chercheurs en sciences humaines et sociales ».   

La prégnance du quantitatif

En dehors d’une réflexion sur les méthodes, l’ouvrage dirigé par Chloé Langeard s’intéresse aux notions de valeurs et d’évaluation. « L’idée est de débattre de ces concepts et de leurs finalités », précise la sociologue. Alors qu’en ressort-il ? Pour ce qui est de l’évaluation, le constat est clair selon la maître de conférences : « Ce qui compte aujourd’hui, c’est le quantitatif, la performance étant devenue une valeur prégnante de notre société. Dans le monde culturel, c’est le taux de fréquentation des équipements qui est valorisé. » Un phénomène qui n’est pas singulier au secteur de la culture. « Ce qui compte dans les hôpitaux, c’est le nombre d’actes réalisés. Dans le monde de la recherche, c’est le nombre de publications », énumère l’enseignante-chercheuse.

D’un format court – 140 pages – l’ouvrage dirigé par Chloé Langeard s’adresse en priorité aux professionnels du secteur culturel et aux universitaires. « Il est aussi accessible au grand public car le terrain est très présent avec une forte approche empirique », détaille la sociologue.  

Le projet « Valeurs et utilités de la culture »
Mené durant 4 ans (2010-2014) ce programme de recherches était financé par la Région Pays de la Loire et associait des chercheurs de divers domaines : économie, gestion, géographie et aménagement, sociologie, arts plastiques, architecture, scénographie, info-communication, informatique et urbanisme. Ces chercheurs répartis à l’Université de Nantes et l’UA ont collaboré ensemble autour de la question de la définition, la construction et l’évaluation de la valeur des activités culturelles pour un territoire. Avant l’ouvrage dirigé par Chloé Langeard, déjà deux livres issus de ce programme de recherche ont été publiés. L’un d’eux intitulé Scènes locales, clusters culturels et quartiers créatifs a été codirigé par Sandrine Émin, maître de conférences à l’UA.

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